Tu ouvres les yeux, les voitures, la pluie, la couette sortie de sa housse, tu glisses de ton lit le long de l’échelle, sans force, tu parcours les pièces une par une en cherchant quelqu’un parti trop tôt ce matin, tu reviens sur tes pas, ravale tes larmes, oublie cette nuit, chasse tout, respire, tu tournes la poignée de la salle de bains, ouvres le robinet, de l’eau sur tes tempes, sa brosse à dents échouée sur le rebord de l’évier, un immense tas de linge sale dégouline sur le carrelage, le fond de la baignoire est encore humide, plic ploc fait le rideau rabattu sur le côté, tu retournes dans le couloir, écartes le rideau du salon, tabac froid dans tes narines, demi-tour, coup d’œil dans les chambres vides, tu te croises dans un miroir, sursautes, pousses la porte de la cuisine, il ne reste que les miettes sur la table, la tasse au milieu des miettes, une goutte froide de café au fond de la tasse, le couteau sur le bord de la table, le beurre sur le bord du couteau, soupir, tu n’entends que ta propre respiration, les craquements du plancher, les pieds nus, la voix ne sortira pas de ta bouche, la voix restera coincée entre tes dents serrées, tu penses :

Je suis une grotte, et ça résonne et ça cogne et ça tousse en moi, je me fais taire, rien à faire, coincée entre hier et cette nuit, je suis bleue et tout autour est bleu aussi  : la pluie, mes doigts, la mer à ma fenêtre, sauter et me rejoindre enfin, ouvrir grand, la grande marée, je m’atteins, chaque cavité ainsi remplie, je suis de l’eau, tu me tues avec classe, je me répands sur le plancher, m’infiltre entre les lattes, tu m’a tuée avec classe.

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